Au Nouveau Nakakort

Warin faisait travailler sa vue ainsi que son cerveau, l'une chargée d'observer les contours de la taverne, l'autre de mémoriser toutes ces images. En pleine après midi, ce n'était certainement pas le meilleur moment pour croiser du monde. L'auberge avait du vécu pourtant celle ci ne manquait pas d'entretien, la personne derrière devait s'y plaire et servir les nobles lui tenait à coeur. Il fait quelques pas à l'intérieur, il contrastait avec la propreté du lieu, un sorceleur n'aurait jamais une hygiène équivalente à un prince, une noble, tous ces genres de personnes qui passent la majeure partie de leur temps dans leur bassine d'eau chaude. Le mendiant n'avait pas menti, ce n'était certainement pas un endroit malfamé, Warin se demandait même si cet endroit était sujet à des bagarres, s'il y en avait, celles ci devaient être rares et d'une faible ampleur.

Warin préférait que les contrats ou les demandes viennent à lui plutôt que lui aille vers les contrats, les demandes personnelles étaient par moment mieux rénumérées car pour le plus souvent secrètes. Pour se faire il fallait que la rumeur de l'arrivée d'un sorceleur en ville circule, il devait donc voir du monde ou être vu par de nombreuses personnes, par des personnes influentes cela était encore mieux. Ainsi même si la nuit était onéreuse, Warin était tout de même motivé à s'installer ici, espérant que cet investissement puisse lui rapporter par la suite. Il se dirige donc vers le comptoir ou il espère trouver le tavernier.

- Vous reste-il une chambre ? Savez-vous également s'il y a déjà un sorceleur en ville ?

Même s'il ne portait pas son médaillon, de la manière dont il avait formulé sa phrase, Warin ne laissait plâner aucun doute sur sa nature.

Le tavernier mit un moment à apparaître (comprendre quelques dizaines de secondes), étant dans l'arrière boutique, Warin entendait des bribes de conversations: le personnel était en train de préparer le service du soir ainsi que la soirée privée. Mais le gérant des lieux, ou son employé du moins, passait de temps à autres sa tête dans la salle afin de vérifier que tout se passe bien ou que, comme maintenant, il n'y avait aucun client. Son regard croisa celui de Warin. "J'arrive j'arrive" dit il en arrivant effectivement derrière son comptoir. Le sorceleur avait à faire avec un homme dans la quarantaine, propre sur lui, il portait un tablier de tavernier mais version uppée comme l'on pouvait s'y attendre: on était au Nakakort ici, d'ailleurs au sujet des bagarres, il y avait un terrain réservé à des démonstrations de pugilat au sein de la taverne. Rasé de près, ses petits yeux noisette se tournèrent vers Warin qu'il détailla de haut en bas, autant qu'il put du moins, avant de lui adresser la parole.

- Il nous reste effectivement des chambres. Trois florins la nuit avec paiement à l'avance. Nul doute était ce là une règle improvisée pour les voyageurs qui devaient prouver qu'ils avaient les fonds nécessaires en les sortant de leurs poches, à défaut de les porter sur eux. Et vous êtes le seul sorceleur en ville à ma connaissance, vous en êtes un je présume ?

Même si le médaillon était manquant, la dégaine et l'épée en argent de Warin parlaient pour lui.

Pendant ce laps de temps, Warin se positonnera dos au comptoir de sorte toujours à regarder l'intérieur du bar, ce qui lui aura permis de constater cet espace réservé aux duels physiques. Une bonne idée, au lieu de saccager l'intérieur de la taverne, ceux qui voulaient se la mettre le faisaient à un endroit dédié pour. Il était impossible d'empêcher la violence dans une taverne, en revanche la déplacer oui. Sa rugueuse main viendra pianoter le plan de travail du comptoir machinalement, plus un toc qu'une impatience de la part du sorceleur. Le tavernier arriva ensuite, Warin le détailla de la même façon que lui le détaillait, un homme qui faisait attention à sa silhouette. Le sorceleur sortit les florins demandés qu'il dépose sur le comptoir. Il n'allait pas chercher à négocier, le but étant qu'on parle de lui en bien. Si le tavernier était amené à parler de lui à ses clients, il ne fallait pas qu'il le présente comme un sorceleur proche de ses sous, dure en affaire. Warin semble se satisfaire de la réponse de l'hôte.

- Très bien... Vous présumez bien, cela fait quelques années que j'arpente le Continent maintenant.

S'il n'en avait pas forcément, Warin voulait être vu comme quelqu'un d'expérience. Son visage d'ailleurs n'était marqué que de légères cicatrices, cela jouait peut être en sa défaveur ou en sa faveur, on pouvait penser qu'il réalisait facilement ses contrats ou au contraire qu'il n'avait pas vu assez de pays pour en avoir.

- C'est plutôt calme dit-il en se tournant vers la salle. J'imagine que c'est le soir que votre salle se remplit.

L'homme le regardait par intermittence, lâchant à peine un "hum hum" lorsqu'il eut fini sa petite histoire, présentement plutôt occupé à remplir son registre ainsi qu'à chercher quelque chose dans ses affaires, la seule chose qui importa au tavernier était qu'il soit bon payeur, et il l'était visiblement. Il sortit finalement une clé de sous le comptoir, qu'il fit glisser vers Warin.

- Chambre 7, au fond à gauche après avoir monté les escaliers. Et c'est le soir que ca se remplit oui. J'en profite pour vous dire que le rez de chaussée est sur invitation après le repas. Toutefois...

A ce stade il n'était pas le bienvenu, à part pour des allées et venues. L'homme continua toutefois d'une voix molle.

- ...un sorceleur ayant arpenté le Continent depuis des années peut avoir quelque chose divertissant à raconter à une clientèle fortunée, est ce votre cas ? Monsieur ... ?

Il désigna le registre, ajoutant "C'est pour le registre aussi..."

Bien plus occupé à travailler qu'à écouter, le tavernier lui remet donc une clé de chambre, laquelle il prend et range dans une de ses nombreuses poches. Chambre 7, au fond à gauche après avoir monté les escaliers se répète-t-il plusieurs fois à lui même. Il serait embêtant de se tromper de pièce. Le sorceleur hausse un sourcil puis croise ses deux bras, celui ci lui demandait-il de jouer le rôle du barde dans cette soirée ? De divertir sa clientèle ? En tout cas il voulait l'inviter, Warin ne raterait pas une chance de côtoyer la noblesse de Wizima. S'il avait des histoires, ce n'est certainement pas le tavernier, ni personne qui allait le forcer à les raconter. Il allait ranger son égo pour cette soirée en espérant qu'il ne soit pas vu comme un intru et qu'on fasse de lui une bête de foire.

- Ça l'est, mais le sorceleur est plus sorceleur que barde. Warin de Poviss ajoute-t-il aussitôt La simple présence d'un sorceleur est divertissante.

Les plus curieux adoraient poser un tas et tas de question aux sorceleurs, ainsi sans forcément le vouloir, un sorceleur à une soirée ajoutait toujours un petit quelque chose même si le sorceleur en question ne faisait absolument rien de la soirée.

- Wa-rinnn... Répéta t-il, laissant traîner la fin du prénom afin d'être raccord avec ce qu'il était en train d'écrire. de Poviss.

Le tavernier souffla sur l'encre et referma le registre bruyamment avant de le ranger sous le comptoir. Il ressortit une feuille de papier sur laquelle il écrivit quelque chose avant d'y apposer un tampon.

- Nul besoin de chanter ou de faire des pirouettes. Il suffit de leur raconter vos aventures... ca suffira amplement...

Lui semblait en avoir entendu assez pour ne pas être particulièrement emballé à l'idée d'en écouter d'autres.

- Bref. Voici une invitation valable pour le temps de votre séjour.  Il lui tendit la feuille tamponnée, mentionnant qu'il s'agissait effectivement d'une invitation aux réceptions du soir au Nakakort, valable pour Warin de Poviss, sorceleur de son état. Il y a des bains dans la ville si vous voulez... Et si vous savez vous montrer éloquent on pourra potentiellement s'arranger pour le prix de la chambre...

Son offre n'était pas subtile, et n'avait pas à l'être. Après tout, c'était ainsi que les affaires marchaient: donner une invitation à Warin ne lui coûtait rien. En revanche, la rumeur qu'un sorceleur racontait d'incroyables aventures au Nouveau Nakakort pourrait rameuter nombre de personnes fortunées qui dépenseraient sans compter dans son auberge. Et s'il pouvait lui rapporter, une promotion sur le prix de la chambre saurait convaincre Warin de rester, afin que lui ne gagne encore plus. L'occasion était trop belle: au vu des prix pratiqués et de la clientèle, les sorceleurs n'étaient pas un marché conquis pour le Nakakort, loin s'en faut, aussi fallait il savoir saisir la bonne affaire lorsqu'elle pointait le bout de son nez.

Les papiers administratifs remplis, Warin s'empare de cette invitation. Cela allait lui permettre d'assister donc à ces petites soirées fermées. Maintenant il faisait ce qu'il voulait de celle ci, peut être n'allait-il jamais se présenter à ces petites rencontres. Mais comme le tavernier, Warin voyait également cette invitation comme une opportunité, celle de rencontrer des personnes aux besaces bien pleines. Peut être que l'une d'elle aura un bon contrat à lui proposer, des histoires à lui raconter, si ce n'était pas le cas il pouvait tout simplement se faire connaître et grâce au bouche à oreille être amené à faire certaines tâches rémunérées. Le tavernier était prêt à lui faire une petite ristourne, mais cela sera selon son bon vouloir, Warin n'était pas quelqu'un de très expressif, conter des histoires n'était pas son truc et puis Warin n'avait pas non plus des tonnes d'histoire, cela restait un jeune sorceleur de seulement 2 ans de carrière. Rien de comparable donc avec un sorceleur sur la Voie depuis une dizaine d'année.

Le sous entendu du commerçant était également clair, il voulait qu'il soit un minimum présentable en passant par les bains de Wizima, on verra cela pensa-t-il, généralement il en prenait après un éprouvant combat, non pas pour se rendre présentable.

- Très bien, à plus tard.

Le sorceleur gagnera sa chambre afin de s'y familiariser, se reposer aussi un peu, affuter sa lame, nettoyer son équipement, faire une maigre toilette...

- A plus tard...

Le tavernier retourna bien vite à la préparation du service du soir, et de la soirée qui s'ensuivrait.

Le soir venu Warin aura donc quitté son perchoir là-haut pour se rendre à cette petite soirée privée. Le sorceleur n'avait pas suivi les consignes du tavernier qui l'avait invité à rejoindre les bains, Warin irait quand il sera vraiment sale, là il avait simplement quitté Kaer puis rejoint Wizima. Réservé au début et sur la défensive, au fil de la soirée il se sera un peu plus ouvert, au même rythme que les différents bouteilles et verres se vidaient. Les quelques personnes avec qui il discuta purent se rendre compte que le sorceleur avait tout de même un certain humour, un doux mélange entre humour noir et sarcasme : il aura fait mine d'avoir été engagé par un bourgeois pour goûter son vin, toutes ses boissons afin de juger si ces dernières étaient empoisonnées. En effet le sorceleur de part sa résistance aux poisons était les personnes les plus qualifiés pour devenir goûteur. Le sorceleur aura également observé par moment les échanges de coups entre les lutteurs dans l'espace réservée, mais il ne s'en sera pas intéressé plus que cela, d'ailleurs il aura envoyé bouler les quelques personnes qui voulaient le voir à l'oeuvre ou le défier. Ce n'est pas parcequ'on est un sorceleur qu'on aime particulièrement la violence, certes on grandissait dedans mais Warin préférait utiliser sa force pour des causes plus nobles ou des causes bien payées.

Concernant les histoires, il en aura partagé aux personnes avec qui il avait été le plus à l'aise le long de la soirée, il leur raconta qu'il avait eu la chance d'observer l'envol d'un dragon doré, qu'il avait à la frontière des Montagnes bleus combattu seul une manticore, comment également il avait survécu face à une multitude de brumelin aux alentours de Kaer Mohren, son dernier réflexe ayant été de boire son hirondelle avant de sombrer dans l'inconscience. Il leur présenta brièvement à quoi pouvait ressembler la Zerrikanie. Finalement Warin s'en était plutôt bien sorti, l'alcool l'avait aidé à bien s'en sortir surtout.

La soirée battait son plein et Warin souhaitait revenir sur un sujet rapidement abordé, peut être que cela ne se voyait pas avec la grande choppe qu'il tenait dans sa main, mais Warin était actuellement en train de travailler. Il se renseignait quant à des destinations, des potentiels contrats futur.

- Vous sembliez intéressés par l'auteur de l'annonce... Une raison particulière à cela ? Comment s'appelle-t-elle ? Demanda-t-il à ses camarades du soir. Il n'ignorait pas qu'il s'agissait de la sous réctrice d'une académie de magie, mais peut être s'était-elle distinguée d'une certaine manière qui faisait qu'on parlait d'elle à Wizima.