Sur la route menant à la maison

Le vieil homme semblera se concentrer, semblant se plonger dans de lointains souvenir, sans succès apparent. Il finiera par répondre :

- Je, je ne m'en souviens plus. Des jeunes filles, tsais ce que c'est les rumeurs. Ben...

Il eut un deuxième silence, plus gêné cette fois avant qu'il n'ajoute timidement :

- Qu'est ce que... qu'est ce que tu comptes faire Carmi ?

Redressant son fractal qu'était son équipement de sorceleuse sur ses frêles épaule, elle se retournera de trois quart vers son paternel pour lui prononcer ses ambitions :

- " J'vais questionner les ploucs de cette ville, retrouver mon frère, et chercher c'bâtard en fuite "

Simple, concis, efficace.

La grande main de l'homme viendra saisir celle plus menue de Carmia, la retenant fermement malgré les quelques tremblements qui l'animaient :

- Carmi... ne fais pas ça, ça mènera à rien, vie ta vie, trouve toi un homme et sois heureuse, jveux pas perdre un deuxième fois ma fille... Tlaisse pas embarquer dans ces sales histoires, jten supplie.

La suppliera t'il, ses yeux sombres luisants pour la première fois dans la nuit alors qu'ils s'humidifiaient sous l'émotion. Carmia pouvait elle se laisser à ce point aveugler par la haîne pour abandonner ainsi son paternel au moment où il avait le plus besoin de lui ?

C'était une vision très pessimiste, mais malheureusement dans cet univers froid aux protagonistes antipathiques, elle était la seule exploitable. Mener une vie posée où son caractère allait passer au second plan et être mit de côté, elle ne pouvait le faire. Attendant que son père finisse sa demande, Carmia laissera un mutisme planer, de quelques secondes, avant de rétorquer platement :

- " Je reviendrai, t'en fais pas pour moi "

Extirpant ensuite sa main de celle de son père, la sorceleuse se dirigera vers la porte, et sortira. Peut-être ressentait-elle un pincement au coeur, mais de toute évidence elle ne voulait guère le montrer, pour ne pas effrayer son père sans doute.

Le vieil homme abattu regardera sa fille partir, une seconde fois, et peut être pour la dernière fois :

- Carmi... S'il te plait.

Terminera t'il dans une dernière quinte de toux avant qu'elle ne disparaisse, accompagnée dans sa sortie par le grincement de la porte de la forge. Si l'air de l'extérieur était bien plus pur, débarrassé de toute la poussière ambiante et de la moiteur de la maison de son paternel elle n'y respira pas nécessairement plus librement alors que le soleil culminait au plus haut et que les rues de la ville se remplissaient. L'heure de déjeuner semblait approcher.

Le tavernier, un homme avec un bel embonpoint s'approchera d'elle, lui souriant de toutes ses dents avant de lui demander :

- Alors kesqu'elle aimerait qu'on lui serve la demoiselle ?= c'est pas tout les jours qu'on croise des femmes avec de si belles épées dans le coin. Vous êtes mercenaire ? je vous recommanderais bien une bonne brune de Téméria, je suis sûr que vous l'apprécierez. Elle est costaude, mais elle a du caractère.

Le bon tavernier, habitué aux clients, mais peu aux nouvelles têtes, semblait éprouvé un plaisir tout particulier de recevoir cette cliente si atypique venue de on ne savait où, et son sens du clientélisme et sa curiosité naturelle l'encouragera à bombarder de question la taciturne Carmia.

L'air guilleret du tavernier intima à la sorceleuse de se décontracter, mais elle n'en montra rien extérieurement. Toujours la mine voilée par un sérieux inébranlable, elle posa le coude sur le zinc avant de recevoir une pelle d'interrogations, ce dont elle n'avait pas l'habitude. A Kaer Morhen, il était plutôt coutume de ne point trop parler, d'être plus en retrait et moins exubérant.

- " Comme moi, va pour la brune "

Elle hésita un instant sur la question concernant sa nature. Si elle mentait et affirmer n'être qu'une mercenaire, les fêtards allaient peut-être au cours de la discussion se rendre compte que ses yeux n'avaient rien de naturels. Une pupille ocre, ça n'est pas banal. Autant jouer la carte de l'honnêteté.

- " Sorceleuse "

Ensuite, elle pointera justement ces pupilles en direction du tavernier, qu'il la remarque ou non.

- " Ça fait longtemps qu'vous travaillez ici ? "

Le grand lèvera la voix à la commande de Carmia, gueulant dans la taverne :

- Gertrude ! une pinte pour la Damoiselle !

Avant de se saisir d'une autre pinte qu'un client avait laissé et de la "nettoyer" avec un torchon d'une propreté douteuse, rien de choquant jusque là. Il répondra alors avec toujours autant de bonhommie, sifflant devant cette nouvelle :

- C'est donc ça, vous êtes là pour quoi ? il y a pas grand chose dans le coin, à part peut être ces satanées noyeurs. Vous tuez des monstres c'est ça ? ça doit pas être de la tarte, parait qu'on peut croiser des sacrées saloperies dans lcontinent. Je te jure une fois j'ai vu la tête d'un manto, manti, manticour un truc dans le genre qui avait été mis en paille, jpeux dire que ça foutait les choquote, jamais je m'approche de ça. C''est vrais qu'on vous prend tout gosse et qu'on vous fait boire tout un tas de truc pour que vous soyez plus fort ? Que vous êtes pus tout à fait humain ? Enfin je dis ça j'ai rien contre vous, faut bien des gens comme vous qui se sacrifie pour protéger les bonnes gens, moi j'ai jamais eu l'âme d'un guerrier tu sais ma petite, je suis bien content ici où à la scierie.

Il plissera les yeux alors que ces derniers croiseront ceux dorées de la pianienne, il soufflera alors de rechef, un tic qu'il avait peut être :

- ha ben dit donc, sacré regard ma belle, je connais des petites qui tuerais pour avoir des yeux dorés comme les tiens.

Il finiera alors en rigolant un bon coup :

-Ha moi ? Du tout, c'est pas mon auberge, mais bon le cousin à une crève pas possible alors jfile un coup de main, ça marche comme ça par là.

Devant la nuée de questions qui lui tombaient dessus, elle faillit bien se noyer dedans, tant elles affluaient à une cadence saccadée. La Pianienne, pour ne pas faire de vagues et donc ne pas attirer l'attention sur elle, avait envie de se prêter au jeu du tavernier, et de répondre à ses questions.

- " Je cherche des réponses qui me mèneront à quelqu'un "

Un clignement d'yeux.

- " Oui, j'en tue "

Une inspiration.

- " J'ai l'droit de rien raconter sur ça "

Un battement de coeur.

- " Putain... "

Décidément, elle comprenait dorénavant pourquoi les sorceleurs étaient de grands marginaux. Ses prunelles tant enviées selon les dires du tavernier, elle les dirigera avec vivacité vers le regard de son interlocuteur.

- " J'suis venue poser des questions, pas répondre à ces dernières.. Vous êtes au courant des rumeurs de la ville ? "

Le bon tavernier lèvera les mains en l'air, l'air un peu vexé de la réaction si véhémente de Carmia :

- C'est c'est bon, j'ai compris, je voulais juste discuter.  C'est aussi comme ça qu'on a des rumeurs et des trucs à discuter.

Soupirera le bonhomme alors qu'une vieille dâme avec un peu d'embonpoint l'arrêtera, lui coupant la parole d'une voix amusée, mais ferme :

- C'est bon Bernard, laisse là un peu se reposer tu vois qu'elle vient d'arriver, tu vas finir par faire fuir la clientèle.

Elle se retournera alors vers Carmia, avant de lui répondre avec bienveillance

-  Désolé, mon cousin est bavard comme une pie, il ne sait pas quand s'arrêter de jaser. Ta brune... mais... attends.

Elle se figera un moment, se plongeant dans le regard de Carmia, la dévisageant de bas en haut, avec une légère surprise :

- Vous venez du pays, votre visage... me dis quelque chose.

Carmia quant à elle pourra reconnaitre la dâme, si elle avait vieillit, et un peu grossie, la bonne tavernière faisait partie des personnes gardant les petites quand la mère avait besoin de se libérer, une sorte de nourrisse qui avait toujours été au petit soin de la jeune fille quand le besoin se faisait ressentir.

La demoiselle était quelque peu surprise que sa simple sommation passe pour une terrible injonction, et vienne terrifier un homme bien en chair comme celui-ci. Après tout, après avoir vécu dans un climat aussi hostile pendant une paire d'années, la douceur avait presque disparu de son jargon, cela en était effrayant.

- " Les discussions claires et concises c'est bien aussi "

Lorsque ce qu'il semblait être la seconde gérante des lieux débarqua, les nerfs à vifs de la sorceleuse se calmèrent. Ses membres précédemment raides vinrent se mouvoir pour attraper sa choppe.

- " Je viens de cette ville, j'y ai vécu durant mon enfance "

Ses yeux se poseront sur la tavernière, qui ressurgit des tréfonds de ses souvenirs. Mais contrairement à celle-ci, Carmia n'en fit pas tout un plat, et resta de marbre.

- " Ma mère vous appréciait beaucoup, comme moi "

Elle prit une gorgée de sa boisson avant d'enchaîner :

- " Vu que j'me souviens d'vous, ça veut dire que vous êtes là depuis un paquet d'années. Vous devez être au courant de c'qui s'dit en ville, en c'moment... ? "

Terrifier était un bien grand mot, il avait plus l'air de jouer son petit rôle de personne bien honnête que l'on venait victimiser, se récriant à grand bruit pour se faire remarquer de tous.
La bonne dame quant à elle se posera en face de Carmia et lui répondra toujours avec cette chaleur qui lui était propre :

- ha oui, la fille du forgeron, t'étais déjà une sacré tête. c'était terrible la mort de ta mère, j'espère qu'on retrouvera le fumier qui a fait ça et qu'on le pendra haut et cour.

Déclamera véhément la serveuse avant de s'appuyer le le comptoir en respirant profondément :

- ça dépend, je fais rien de mauvais et j'évite de foutre du fumier sous le palier du voisin, sinon oui je connais bien ce qui se passe en ville.

Décidément, la tavernière avait le même mode de penser qu'elle, cela l'intimait de se fier à cette dame charnue. Elle espérait donc pouvoir satisfaire l'envie de cette ancienne connaissance, et ramener cette enflure afin que justice soit rendue.

- " J'm'en charge vous inquiétez pas "

Dégustant sa brune, elle restera tout de même attentive aux dires de son interlocutrice.

- " J'vous en tiendrai pas rigueur si vous m'racontez c'que vous savez "

Du sarcasme semble-t-il..

Posant son plateau sur la table, la bonne femme leva les yeux aux cieux avant de répondre avec impuissance :

- Tu te doutes bien que si j'avais la moindre idée j'aurais tout dit aux gardes et le coupable serait six pieds sous terre, tout ce que jsais c'est que le père s'est brouillé comme pas permis avec le fils, ça a bardé dans les chaumières, les attendaient à l'autre bout dla ville certains te diraient. T'as toujours des gens pour être mauvaises langues mais jpense pas que le gosse aurait fait ça, c'est un sale con, mais il tuerait pas sa mère.

Elle se servira elle même une bonne rasade de blonde avant qu'un vieux qui écoutait non loin intervienne sans aucune bienséance, la promiscuité des lieux ne laissaient pas beaucoup de place pour le secret aux heures d'affluence :

- ça devait être un gars de passage, plus aucun problème après, l'est passé et piou l'est repartie en laissant la femme du forgeron toute froide. Faut les tenir à l'oeil ces gens là. Font tourner les boutiques mais on sait jamais qui vient. Jamais eu de problèmes comme ça ici, depuis 10 ans ! Jvous jure tout se perd.

C'est en sirotant sa brune qu'elle écoutera le conte de la bonne femme. Conte, parce-que malgré quelques petits détails pouvant s'avérer véridiques, d'autres points n'était que des balivernes, et en plus très médiocres. Encore une fois la sorceleuse était du même avis que la tavernière.

- " C'était un con avec le village et c'est en ternissant sa réputation qu'ces pouilleux se vengent, c'est vraiment pathétique.. "

Se tournant en direction du nouvel intervenant, son regard viendra dévisager celui-ci, pendant qu'il faisait son récit.

- " Ce " gars d'passage " j'essaie justement de l'chopper " Elle s'adressa à la tavernière. " Mais pour ça m'faut des infos, sur n'importe t'qui de cette affaire. Même un témoin d'merde ça m'arrange "

- Ma pauvre fille, tu te doutes bien que personne est vnu ici en hurlant qu'il allait buter quelqu'un. Et puis, ça fait tellement longtemps... t'avais bien une dizaine de personne dans le coin. Ton frère est partie direct après avoir su pour ta mère, voulait retrouver l'assassin, ça fait 7 ans qu'il est broucouille. Tu devrais laisser ça comme c'est, même si j'aime pas ça.

Répondra la tavernière en faisant tourner la chope avant de reprendre avec une certaine mélancolie :

- Et tu devrais faire attention quand tu parle dpouilleux, ton père, moi, et pleins de gens sont des "pouilleux" comme dirait ton frère, j'espère qutoi t'oublie pas d'où tu viens.

Sa choppe était bientôt vide, tout comme cette discussion. On pouvait dire que le timing était excellent. Avalant sa dernière gorgée avant de faire tinter le récipient avec le zinc, Carmia regardera la tavernière avec la même ardeur que son père tantôt.

- " Vous êtes pas la première à m'dire d'arrêter là, et vous serez pas la première que j'vais envoyer balader pour ça "

Elle reprena son souffle avant de continuer.

- " Mon frère, vous savez pas où il est parti après tout c'merdier ? P't'être qu'il traque toujours c't'enfoiré après toutes ces années, et j'vais lui donner un coup d'main "

À la dernière intervention orale de la femme, Carmia répondra plus vivement.

- " J'y ai pensé tous les soirs depuis mon départ, de cette ville, croyez-moi ; j'risque pas d'oublier d'où j'viens.. "

La tavernière laissera échapper un rire timide malgré la gravité de la discussion :

- Voilà qui est bien parlé, si tu retrouves ce fumier colle lui en une dma part, jsuis sur que tu t'occupera très bien de le finir toi même.

Avant de reprendre plus sérieusement, et l'air quelque peu blasé :

- Ton frère, melitele ait pitié.
Répondra t'elle en levant les yeux au ciel
- Ce vaurien passe par là l'histoire de remplir sa bourse, se bourre la gueule jusqu'à plus soif et cour tout les jupons qu'il voit puis zou ldisparait à Loredo  aussi sec pour se pinter dans son trou à squ'on dit.

Devant la hargne de la tavernière, Carmia sourit également. Cela lui faisait véritablement plaisir de croiser des bouts de femmes qui ne se laissaient pas abattre par les codes sociétaux qui exigeaient un caractère humble et discret. Son rictus viendra se mouvoir sous les paroles de la sorceleuse.

- " Vous inquiétez pas, il va regretter de pas avoir été choppé par les gardes ce jour-là "

Trop cuistre peut-être ? La Pianienne croyait sincèrement en ses paroles, elle allait d'ailleurs faire de son mieux pour exécuter ces dernières, pour qu'elles ne deviennent pas des mots jetés au vent, et au néant.

- " J'vais l'en sortir, j'peux vous l'précroire "

Elle déposera sans délicatesse le compte de la boisson qu'elle avait consommé sur le zinc, et se dirigeait déjà vers la sortie. Sur le chemin, elle réfléchissait déjà au moyen qu'elle allait employer pour se rendre en territoire inconnu, et par dessus tout loin de ses terres natives.

- Bonne chance ptite. Reviens quand tu veux.

Répondra la bonne tavernière avant de se diriger vers un autre client, prenant sa commande.
Sur pourra sortir de la taverne sans encombre, libre à elle de choisir de quelle manière elle souhaitait accomplir son destin.  

La jeune sorceleuse n'eût guère le temps ni même l'envie de s'arrêter pour causer avec les pleutres de son village. Bien que cela aurait été sûrement enrichissant, la Pianienne n'avait plus qu'une lubie en tête, qui s'accaparaissait tout son esprit. Elle ne pouvait penser autre chose que son portail qui allait la conduire à la ville qu'elle désirait. Malgré la difficulté de la mission qu'elle s'imposait, Carmia ne se voyait pas reculer et abandonner cette dernière ; cela la ferait passer pour une couarde, ce qu'elle n'était pas.
Lorsqu'elle arrivera en périphérie de la ville et qu'elle apercevra le dispositif téléportatif, elle s'approchera de ce dernier et des personnes en charge de son fonctionnement.

- " C'est combien pour un aller simple à Amarillo ? "

Lancera-t-elle quand elle arrivera à hauteur de l'attroupement.

Un comptable arrivera à son niveau, portant d'épaisses lunettes, il regardera un moment carmia avant de retourner à son manuscrit et de marmonner :

- Celà dépend de votre situation. Si vous êtes marchand, mercenaire, ou autre c'est 70 florins, si vous êtes soldats de l'empire en mission, sorceleur, ou dignitaire de l'empire 50 florins et si vous avez un parchemin signé d'un seigneur local ou d'une haute autorité d'autres tarifs spéciaux peuvent vous êtes accordés. J'aurais besoin de justificatifs de votre situation si vous êtes dans une des catégories susmentionnées vous offrant le droit à un tarif bas.

Répondra l'homme, visiblement un tantinet procédurier. Difficile de marchander avec ce genre d'individus, les prix étaient fixés et il était peu probable que ce dernier décide de soudainement prendre des initiatives même pour une jeune sorceleuse aussi bienveillante et gentille que Carmia.

De la paperasse pour appuyer sa nature ? C'était bien la meilleure ! Comme si ses prunelles, son accoutrement, sa carrure et son pendentif ne suffisait pas.. C'est d'ailleurs ce dernier qu'elle saisit dans sa main gauche sans délicatesse et le rapprocha de la vue sans doute défaillante du contrôleur :

- " Sorceleuse, ça t'suffit pas comme preuve ? "

Le bon scribe vérifiera l'objet, l'observant méticuleusement avant de scribrouiller dans un coin de son parchemin la mention "sorceleur" avant de relever ses épaisses lunettes sans se montrer intimidé et d'ajouter :

- Très bien, sorceleuse donc, et votre patronyme s'il vous plaît ?

Laissant le pleutre observer méticuleusement son collier, elle le regardera tout de même de manière circonspecte, haussant et arquant ses sourcils. Elle lui répondra ensuite rapidement :

- " Carmia de Piana "

Une petit sobriquet qu'elle s'était attribuée délibérément. Elle n'en était pas peu fière. Simultanément, elle commencera à sortir l'argent nécessaire pour le transfert.