Le bureau d'Estel de Riv

-Bonjour monsieur !

Dit alors l'aveugle tandis que l'autre restait silencieuse et effectuait une petite révérence. Elle ne parlait pas beaucoup. Les deux jeunes filles étaient parfaitement bien coiffées et avaient sûrement passé un long moment à se préparer pour être les plus présentables possible. Aine prenait ce genre de chose très au sérieux. Quand on était convoqué quelque part, il fallait se donner les moyens de ne pas décevoir celui qui nous invitait. Elles portaient donc l'uniforme e l'école, parfaitement repassé et ajusté pour mettre en valeur leurs plastiques et leurs élégances.  Aine portait comme toujours son curieux diadème d'argent orné de perles et d'autres pierres précieuses. Elle l'avait lustré pendant un bon moment afin qu'il brille de mille feux. L'objet en soit était une véritable petite œuvre d'art, mettant gracieusement en valeur les traits fins du visage de l'adolescente et s'accordant à merveille avec ses cheveux blond platine. Accrochée comme à son habitude à la manche de sa camarade, elle attendait bien sagement la réponse d'Estel.  

Une question taraudait l'esprit de Kantz quand il toqua à la porte du bureau de l'enseignant: qu'avait-il fait ou pas fait pour être ainsi convoqué ? Car bien évidemment il n'était et ne pouvait être au courant de la présence d'à minima trois autres de ses camarades de classe. Et quand il était nerveux, l'adolescent triturait et jouait avec son collier à l'emblème du loup hors de sa cachette sous ses hauts de corps, parfaitement exposé à la vue de tous. Bien entendu, il n'avait pas pris ses deux épées, car après tout ce n'était qu'une simple convocation n'est-ce pas ? Il toqua donc, son poing frappa trois fois le bois de la porte puis attendit qu'on l'invite à entrer, posant ses yeux sur la enfin les personnes présentes.

-"Bonjour ..."

Timidement il s'inclina puis se décala sur le côté tout en posant son regard sur les deux élèves déjà présentes à l'intérieur ? Qui étaient-elles ? Et surtout que faisaient-elles ici ? Tout cela apportait encore une touche de mystère à cette invitation dont il ne tarderait, le sorceleur l'espérait, pas à recevoir les réponses.

Meruem a effectivement répondu présent aussi. Il fut d'ailleurs étonné de trouver Kantz ici, quant à la fille aveugle, il ne savait trop rien quant à ce sujet, et n'y fit pas vraiment attention sinon concernant sa chevelure argentée comme la sienne.

- Professeur. Kantz, jeune fille...

Une brève flexion du torse en direction d'Estel, il écoute.

Le sorcier accueillera chacun des arrivants avec enthousiasme, mis à part la jeune assistante de la sorcière aveugle qu’il examinera vers perplexité. Il avait oublié ce léger inconvénient, si une personne n’était pas taillée pour ce qui allait venir c’était bien elle. Il se grattera le menton, réfléchissant ostensiblement au problème posé par cette présence avant d’être interrompu par l’arrivé de Meruem, clôturant ainsi l’inconfortable phase d’attente imposée aux deux apprentis. Il se redressera pour commencer les présentations d’une voix claire et forte :

- Bonjour bonjour, je constate que tout le monde est présent. Je parie que vous êtes tous entrain de vous demander pourquoi vous êtes réunis ici, bien que certaines idées doivent commencer à émerger, vous avez tous une tête bien faîte ici.

Il se taira pendant quelques secondes, laissant le temps aux invités d’établir les théories les plus vraisemblables comme les plus folles avant d’enchaîner :

- Vous avez tous été choisis pour vos compétences, Meruem et Kantz, vous êtes des sorceleurs, et en tant que tel vous avez certaines obligations, que vous soyez étudiant à Loc Grim ne vous soustrait pas à ces dernières. Quant à Madame d’Erlenwald, votre don est précieux, et il est important que vous puissiez vous en servir avec la plus grande justesse, et un petit exercice pratique vous fera le plus grand bien.

Il ne citera bien évidemment par l’assistante de vie qui avait pour seule qualité la docilité de sa personne. Mais l’objectif de la mission lui n’était toujours pas dévoilé, chacun pourra sentir le professeur trembler d’excitation alors qu’il retenait la révélation :

- Et c’est pour cette raison que….. vous êtes tous conviés à… Réaliser une expédition.

Il marquera une nouvelle pause, laissant chacun s'imprégner de la nouvelle avant de continuer :

- Des fermiers de la région de Gwydberg, juste ici !

Il pointera vigoureusement  de son doigt une région montagneuse de la carte :

- Nous signalent qu’une forme de corruption semble s’étendre ces dernières années. Le lait tourne, la terre devient stérile, les corbeaux parlent… Peut être de simple boniment vous me direz, ces symptômes sont bien communs ? Et bien il est difficile de savoir avec certitude. L’épicentre du phénomène se situe… Ici ! La montagne Gwyd ! Montagne qui semble être abandonné suite à une malédiction il y a de cela des siècles, intriguant non ? et sûrement pas une coïncidence. Notre mission est simple, il devrait s’agir d’une formalité. Nous devons nous rendre sur place, enquêter sur la source de cette corruption, et rendre le rapport le plus détaillé possible à l’ordre des mages pour qu’ils puissent si la rumeur se confirme mettre fin à cette malédiction. Cela vous semble bien claire ?

Finira le mage, après avoir débitté les différents éléments avec une fougue bien à lui.

La jeune Aine se tourna pour faire de silencieuses salutations et de gentils sourires aux nouveaux arrivants. Elle avait été bien éduquée dans les règles de l'art et la politesse était pour elle la plus grande des vertus. Bien avant la remarque du professeur, elle se mit à tirer sur la manche de sa domestique, excitée comme une petite puce elle lui murmurait à l'oreille des choses que seuls les mutants pouvaient entendre.

-Deux sorceleurs ..! Je pense qu'on part à l'aventure !

La domestique leur adressa alors un sourire courtois. Les deux écoutèrent alors avec attention le petit discours du professeur, bien que l'excitation de la maigre aveugle se fasse de plus en plus apparente. Partir en expédition avec des sorceleurs, pour aider un pauvre village à se débarrasser d'une malédiction, on aurait dit une histoire de roman. Elle adorait lire, enfin, elle adorait surtout qu'on lui lise. Elle s'imaginait un instant héroïne chevaleresque protégeant la veuve et l'orphelin à l'aide de son savoir magique et de ses dons. L'enthousiasme du jeune mage ne l'aidait pas vraiment à se contenir. Dès qu'il eu fini son discours, elle enchaîna donc.

-Oui ! Quand est ce qu'on part ?!

Visiblement, chacun semblait avoir compris, le manque de curiosité des aspirants était légèrement décevant, mais était loin de pouvoir ébranler l’entrain du professeur :

- Le départ aura lieu dans une semaine, n’oubliez pas, vous serez également jugé dans vos performances lors de cette expédition par… moi-même sans surprises. Soyez donc observateurs, prévoyants et ne vous relâchez pas. L’objectif est que vous puissiez être totalement autonome à l’avenir si vous veniez à faire face à des phénomènes magiques hostiles ou si l'on vous envoyais résoudre ce type d'anomalies. Je vous laisse cinq jours pour vous préparer au mieux, vous pourrez commander des vivres, des ingrédients pour vous préparer des élixires, des bombes, ou qu’importe... ce que vous jugez de plus pertinent. Cela fait partit de l’exercice. Je couvrirais vos frais, dans la limite du raisonnable bien sûr et suivant la pertinence de vos choix. Sur ce, je vous libère.

Non il n'avait pas de questions mais au contraire de ce que pouvait penser l'enseignant, Kantz était bien piqué par la curiosité, similairement à la petite source les accompagant, simplement il attendait d'être arrivé sur place pour découvrir quels secrets cachaient les monts Gwyd.

-"Merci Messire."

Bien entendu, il donnera une rapide courbette avant de sortir du bureau, ce n'était pas comme si il se précipitait dans son dortoir ... mais en fait si. Il avait plein de choses à faire et notamment définir clairement la liste des ingrédients pour fabriquer ses potions et élixirs lui semblant nécessaires.

Si on y envoyait une enfant aussi, c'est que ce ne devait pas être très dangereux, quoique. Évidemment que Meruem en était, même si niveau sortilèges, il avait moins à apporter que son aîné et les autres personnes présentes ici depuis plus longtemps. Ceci dit, il avait un poids "martial" à jouer au minimum, et puis son cerveau aussi... Bref.

- Une montagne abandonnée vous dites ? Abandonnée par qui ?

Un début de question pour grappiller des informations peut-être vitales. Quant à ce dont il avait besoin, il y réfléchirait, il avait une semaine pour cela.

Estel fera claquer ses doigts, un méchant tic qu'il avait quand il relevait un bon point :

- Bonne question Meruem, et bien voyez ce château était auparavant le siège du pouvoir de la comtesse Ailen de Gwydberg. D'après certaines sources historiques, il s'agissait du château le plus important de la région de Gwydberg. Cependant, les habitants furent obligés de fuir les lieux aux environs de 1250, suite à une malédiction qui aurait conjurée une nuée de corbeau si épaisse qu'elle obscurcit les cieux, corbeaux qui se mirent à sauvagement attaquer toute personne résidant dans la château ou ses alentours. On estime les pertes humaines à environ 300 morts, ce qui est un bilan assez lourd, mais les historiens ont souvent tendance à romancer, d'un autre côté, l'évènement a suffisamment traumatisé les locaux pour qu'aucun ne songe à se réinstaller dans la forteresse.  Qu'en pensez vous ? Avez vous d'autres questions ?

Pour ne pas agacer le professeur qu'il connaissait depuis assez peu, Meruem évita de mentionner l'omission d'Estel quant à ce château.

- Une malédiction suffisamment confinée pour que personne ne songe à la gérer en plus d'un siècle... Elle se serait élargie alors ?

Il se caresse le menton, songeur.

L'enthousiasme du professeur laissait en effet sa présentation lacunaire, à moins qu'il ne s'agisse d'un test. Quoi qu'il en soit il répondra à Meruem :

- C'est fort probable, c'est un comportement rare pour la plupart des malédictions, sauf si une personne l'a amplifiée par inadvertance ou par pure malice. Seul l'étude des lieux et les rumeurs des locaux pourrons nous en apprendre plus je le crains.

Estel de Riv accueillera les participants avec un grand sourire. Pour sa part, il portait sur son dos un énorme sac. Vêtu d'une légère veste et de bottes en cuir, armé d'une épée tout ce qu'il y avait de plus banale, il semblait paré à partir sur le champ  :

- Prêt pour cette sortie ? Montrez moi ce que vous avez !

Demandera le mage avant de passer rapidement en revue l'équipement de chacun. Il prit quelques secondes avant de faire remarquer :

- Je vois, c'est intéressant, cependant vous avez oublié une chose essentielle : Les vivres.
Déclarera t'il en agitant son doigt devant son visage comme pour les réprimander gentiement :
- Une expédition le ventre creux est tout de même bien moins agréable !

Plaisantera t'il avant de se diriger vers la petite aveugle et son assistante et de leur glisser deux poignard à lames courtes dans les mains :

- Je me doute que vous n'appréciez pas ce genre d'objet, et je doute que vous ayez à vous en servir pour ce voyage. Mais ce sont des objets qui restent fort pratiques, et une petite précaution qu'il serait bête de négliger.  Sur ce Gwedelbert nous attend, il nous téléportera dans la région de Gwydberg. Si vous n'avez pas de questions nous y  allons tout de suite.

Aine et sa domestique arrivèrent donc vêtues de leurs jolies capelines, saluant au passage tous les autres membres du groupe. La petite se dodelinait sur place d'impatience. Elle avait passé l'entièreté de la semaine à ne parler que de ça, tellement que pour la pauvre Emilia, à savoir la seule personne avec qui elle parlait vraiment, s'en était presque épuisant. Prêtes, elles l'étaient plus que jamais. Suite à la question d'Estel, elles présentèrent élégamment leur nouveau vêtement qui les tiendrait bien au chaud durant l'expédition. Pour ce qui était des vivres, aucune des deux n'y avait pensé. Pour elles, il était évident que tout ça allait être préparé par quelqu'un d'autre et qu'elles n'avaient pas besoin d'y réfléchir. Aine en particulier, se sentie un peu bête. Elle sursauta légèrement quand on lui glissa l'arme dans les mains et mis quelques secondes à reconnaître l'objet. Chez elle, elle n'avait même pas le droit de toucher à un couteau de table, par peur qu'elle ne se blesse. Et voilà qu'aujourd'hui on lui confiait une dague, une vraie ...

-M-Merci monsieur !

Elle doutait de savoir comment l'utiliser le moment venu, mais c'était toujours une sécurité de mise. Ca lui sauverait peut être la vie. Elle glissa donc la dague dans une des grandes poches de son manteau. Elles n'avaient pas de questions, elles était prêtes à partir.