Re: L'aile droite du château

- Je ne sais pas...

Ils n'ouvrirent donc pas encore la "porte". Il s'arrêta de parler. "Bien" se dit-il intérieurement. Soit cette chose pouvait lire dans les pensées, et il était déjà grillé, soit non et dans ce cas là, elle agissait à travers la vue, l'ouïe d'autre chose, comme ces corbeaux. Il chercha le corbeau du regard s'il était encore dans le coin, et puis s'approcha de l'oreille de Kantz pour lui parler à voix basse. Ainsi, ils ne seraient pas entendus.

- Parle à voix basse, "elle" nous voit et nous entend probablement à travers les corbeaux. Si c'est bien cette "divinité" qui nous montre ce chemin... cela signifie que ses desseins sont différents des spectres qu'on a vu. Là, on s'approche de l'arbre qu'elles défendaient, et si c'est "elle" qui nous y amène, cela signifie que son courroux n'était pas exactement ce que ces spectres craignaient... Il y a donc une dimension plus profonde que ce qui apparaissait aux premiers abords avec ce culte, ou alors... il y a une troisième entité, mais cela me paraît peu probable.

Une longue explication dont Kantz était désormais le deuxième gardien.

Le visage de Kantz, s'imobilisa et prêta entièrement attention à ce que lui disait Meruem. Éviter de parler le plus possible, et si c'était nécessaire, le faire à voix basse, très bien, c'est d'ailleurs à la fin qu'il hocha plusieurs fois et vigoureusement la tête, pour être sûr que son comparse puisse le voir à la lueur de leur sort. Il avait compris.

-"Et si justement les spectres en haut ne voulaient pas que l'on approche de cet arbre ? Et si au contraire de ce qu'elles nous ont dit, ce n'était pas la déesse le vrai danger ? Elles semblaient effrayées, peut-être par ce que nous pourrions trouver ? Ce qui expliquerait pourquoi elles cherchaient tant à nous éloigner ?"

C'était peut-être un peu tordu comme raisonnement et il n'avait aucune preuve. Mais si dans cette histoire cette fameuse "déesse" n'était en rien liée de près ou de loin à tout ce qu'il se passait à ses alentours et que les "coupables" étaient ces esprits fantomatiques ?

Le corbeau était présent, se maintenant à distance respectable de Kantz et Meruem sans laisser échapper le moindre croissement, figé dans une immobilité totale. Il ne montrera aucun signe qu'il comprenait les messes basses des deux sorceleurs, se contentant de les fixer de son regard perçant.

Un sourcil de Meruem s'arque.

- Les spectres ne voulaient pas.

C'était une évidence, Meruem ne comprit pas pourquoi Kantz s'interrogeait à ce sujet là.

- Au reste, tout est possible... Redouble de prudence, plus on s'approche de l'arbre, plus cette entité a du pouvoir.

Il fait un hochement de tête, puis propose d'avancer.

Il hocha la tête, après tout ils verraient bien derrière la porte. Ils avancèrent jusqu'à la dite porte.

Meruem et Kantz s'approcheront de la "porte" dissimulée, le mécanisme qu'abritait cette dernière était simple. Un simple levier qui permettait de débloquer la porte, et les poignets qui permettaient d'avoir une prise pour faire coulisser le faux mur. La seule difficulté résidait dans le poids du mur et la rouille qui avait élue domicile sur le mécanisme, rendant l'ouverture particulièrement laborieuse. Cependant, le mécanisme cèdera suite aux efforts répétés de Kantz et Meruem, laissant filtrer la lumière de l'extérieur.

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La chambre dans laquelle les mages se rendait prenait des proportions démesurées pour une simple chambre, au milieu de celle-ci trônait un lit à baldaquin aux étoffes rongées par le temps. Les draps déchirés laissaient apparaître des pages arrachées et racornies qui avaient volés aux quatre coins de la pièce, seul un petit tas de feuille échappait à la lettre, sagement empilé sur l'armoire. De nombreuses plumes noires geais s'étaient également perdues dans la pièce, recouvrant les divers meubles qui la composaient. Ces meubles étaient un secrétaires de bonne facture, de petites tables de chevets qui était pour l'une d'entre elle surmontée d'un coffret semblant verrouillé, et une grande penderies. Cette dernière avait été déplacée, laissant apparaître un tunnel qui semblait s'enfoncer dans les entrailles du château.
Les murs étaient décorés de fines tapisseries dont l'âge n'avait pas effacé le talent de l'artiste. Une suite luxueuse donc, qui pourrait sans aucun doute seoir à une personne d'importance. Le courant d'air froid qu'ils avaient put percevoir venait d'un grand vitrail brisé, laissant l'air de l'extérieur se glisser dans le château.

Estel pestera vivement devant cette découverte, ils étaient encore trop lent, et les jeunes n'étaient toujours pas en vue :

- Sacrebleu, comment ils ont put trouver ce genre de passage... Allons y ne perdons pas plus de temps.

Elles ne perdirent donc pas de temps et pénétrèrent dans le tunnel en question.

Aine pourra ressentir qu'elle s'approchait de l'extension de la source de magie alors qu'elle commençait à plonger dans les profondeurs du château. Cette dernière, restée relativement stable depuis que le professeur, son assistant et cette dernière s'étaient mis à la recherche des deux sorceleurs, commencera de nouveaux à se mouvoir, se retractant brusquement en direction du foyer du pouvoir, laissant les sorciers seuls dans ce tunnel humide et étroit à la pierre grossièrement taillée. En se retirant, Aine pourra de nouveau distinguer deux signatures magiques maintenant familières, celles des deux spectres, semblant se diriger lentement vers leurs directions alors qu'ils continuaient de progresser dans le tunnel.

Elle murmura à voix basse pour le professeur, inquiète.

-Les deux spectres se dirigent vers nous, j'espère que nous ne les avons pas énervé ... Nous ferions mieux de nous dépêcher !

Estel se retournera brusquement à la déclaration d'Aine avant de saisir le bras de cette dernière, se refusant à accélérer :

- Aine, tu es sure de toi ? Les spectres se dirigent vers nous ? Si nous accélérons nous ne pourrons pas faire demi-tour comme la dernière fois. Kantz et Meruem sont passés par là comment ont-ils put tromper la vigilance des spectres... A moins...

Il laissera sa phrase en suspend tout en maintenant sa poigne sur le bras de la jeune fille de manière presque douloureuse, attendant une réponse de la part de cette dernière.

La décision de continuer leur route ne semblait pas du goût des spectres dont la signature s'approchait à grande vitesse, telle deux torches portées par d'apocalyptiques cavaliers. Une décision allait devoir être prise, et vite.

Elle opina de la tête, décidée.

-Oui ! Et on cours ..!!! Ils se rapprochent très vite, je vais faire de mon mieux pour pas vous ralentir.

Comme dit, elle lèvera les pieds bien haut, pour ne pas trébucher, et partira au petit pas de course avec sa domestique à l'intérieur du tunnel.

Accélérant, les trois mages continuèrent d'arpenter le tunnel, leurs pieds manquant plusieurs fois de se prendre dans les roches irrégulières qui pavaient le sols. Mais pouvaient ils seulement prendre de vitesse les êtres éthérés qui se dressaient devant eux ? Prendre de vitesse... pour aller où au juste ? Pour attendre les sorceleurs avant eux ? Les spectres ne semblaient d'avoir d'yeux que pour les trois mages et alors que le groupe se baissait pour passer sous une épaisse racine, les silhouettes fantomatique des créatures se dessineront devant eux.

Tel un masque de cire ayant fondu, des atours monstrueux paraient dorénavant le visage des morts, laissant entrapparaître pendant entre les dents manquantes de la jeune femme une longue langue pendante habillant un visage qui n'avait d'humain que la forme. La prêtresse la plus âgée avait quant à elle le bassin perforé d'un large trou alors que ses vêtements maintenant semblables à des lambeaux de peaux s'arrachaient de son corps, laissant apparaître un corps décharné et famélique. Dans l'éther, Aine pourra constater que le coeur d'énergie autour duquel gravitait l'énergie sombre qui habitait ces lieux semblait ne cesser de s'affaiblir. Les deux créatures hurlèrent de concert, d'une voix stridentes qui raisonnera dans le tunnel, se fractionnant en une multitude d'échos assourdissants :

- Vous deviez RECULER, VOUS ne L'approcherez PAS, NOUS devons LA PROTEGER/CONFINER

Emilia effectua un mouvement de recul, à la fois dégoûtée et apeurée par ce spectacle macabre. Aine, elle, serra les dents. Elle n'avait pas besoin de description, son imagination suffisait. Prenant son courage à deux mains, elle osa s'interposer.

-Il n'y aura bientôt plus rien à protéger ! Vous êtes aveugles ? Votre arbre se meurt, ce n'est plus qu'une question de minutes avant qu'il ne rende l'âme. Vous avez failli à votre mission, car l'arbre meurt depuis des dizaines d'années, empoisonnant la région et ruinant la vie de ses habitants. En agissant ainsi vous avez trahit vos vœux sacrés, vous faites le contraire de ce que vous êtes censées faire. Alors réveillez vous et ouvrez les yeux. Vous êtes mortes depuis longtemps, vous ne pouvez plus rien faire. Alors laissez nous aller réparer vos erreurs, je vous en prie ...

Baissant légèrement la tête, elle la tourna vers Estel, perdant d'un coup toute son assurance.

-A l'aide ...

Peut être venait-elle de faire une grosse bêtise.

Les spectres continuaient lentement leurs horribles transformation au fur et à mesure des paroles d'Aine, leurs peaux fantomatiques se flétrissant à chacune de leurs paroles tandis que l'aura sombre qui les enveloppait ne cessaient de gagner du terrain. Et c'est dans un grognement roque, semblable à celle d'un homme à l'agonie tentant de prononcer ses dernières paroles qu'elles répondirent :

- Nous, nous échouons, mais nous protégeons, et nous continuerons, jusqu'à sa mort. Vous ne pouvez nous aider, VOUS NE POUVEZ PAS. Nous sommes les dernières. Personne après nous.

Les silhouettes spectrales se figèrent soudainement, ne laissant qu'un silence de mort dans le tunnel, un silence brut et innatendu au milieu de cette tension. Soudainement, la métamorphose des spectres repris dans un tourbillon de puissance, il ne faudra pas plus de quelques secondes pour que les morbides silhouettes parachèvent leurs transformations en spectre, se débarrassant définitivement des quelques traits humains qui subsistaient en eux. Seul subsistait deux silhouettes vaguement humanoïdes aux traits difformes alors que leur âme finissait de se consumer dans la corruption ambiante. Leur gueules s'ouvriront lentement, dévoilant une gueule aux dents acérées de prédateur qui ne cessait de se déployer bien au delà des limites humaines. Au milieu de ce gouffre, une épais appendice rougeâtre s'agitait furieusement alors qu'un crie effroyable s'échappera de la gorge des spectres. Le crie était chargé d'une puissance évocatrice terrifiante, des siècles de tortures et d'angoisses transparaissant dans ses tonalités assourdissantes qui se répercutaient contre les parois de la grottes, saturant leurs sens. Une terreur sourde et irrépressible s'empara d'Aine et de son assistante, leur hurlant de fuir aussi loin qui le pouvait, la mémoire de leurs compagnons disparus d'avanouissant devant cette menace écrasante.
Le spectre le plus jeune s'avancera rapidement vers les mages, se balançant avec vivacité son imposante dague sacrificiel avide de sang alors que le spectre au bassin troué filera dans les tunnels, à l'opposé des mages tel un requin fondant vers sa proie.

Tout le long du discour, Eskel aura reculé, sa baguette blanche en main prête à intervenir alors que son bras gauche s'avançait devant Aine, la forçant à reculer de même. Les traits de son visage étaient concentrés alors qu'il murmurait une incantation qui sera coupée par le hurlement insoutenable des deux spectres. Ses deux jambes se mirent à trembler, manquant de se dérober sous lui alors que son visage se décomposera sous l'assaut psychique mené par les spectres. Mais il résistera. De son bras, il repoussera brusquement ses élèves et hurlera à leur attention :

- FUYEZ, FUYEZ HORS DU CHÂTEAU ! VITE ! JE VAIS LE REPOUSSER AUSSI LONGTEMPS QUE JE LE PEUX !

Sa main gauche plongera dans son sac tandis que sa main droite faisait décrire un complexe mouvement à sa baguette de laquelle jaillira une violente onde de choque canalisée en direction du spectre.

Les deux jeunes filles ne se firent pas attendre. Sans perdre de temps, Emilia agrippa la frêle main de son ami aveugle et parti en courant en direction de la sortie. Elle emprunta les couloirs qui d'après sa mémoire pouvait lui permettre de quitter cet endroit maudit le plus rapidement possible. Aine n'opposa aucune résistance mais eu tout de même un pincement au cœur pour son pauvre professeur chargé de combattre l'infâme créature qui cherchait à attenter à leurs vies. Elle regretta un instant d'être venue ici, se demandant si une telle situation aurait pu être évitée si elle n'avait pas été là. Elle espérait que tout se passait bien pour ses camarades sorceleurs, seuls dans cet obscur tunnels et s'apprêtant à se faire attaquer par un affreux spectre avide de sang.

Aine fuira au travers du tunnel, accompagné par la maigre lumière du luxis que son assistante avait lancé pour les guider dans les ténèbres. Alors qu'il s'éloignaient du spectre, cette terreur irraisonnée qui les avaient saisie s'évanouissait progressivement, leur permettant de recouvrir quelques brimes de rationalité. Au loin, elle pourront entendre une puissante déflagration, suivi d'une pluie de poussière et de roche de petite taille qui cessera rapidement. Le combat entre le mage et le spectre s'était engagé, mettant en jeux des quantités de magie que les jeunes sorcières ne pourront égaler avant des dizaines d'années d'entraînement intensif.
Quelques secondes plus tard, un nouveau hurlement se fera entendre du tréfond des tunnels, un hurlement de douleur à glacer le sang déformé et amplifié par les multiples réverbérations du son à travers le tunnel, mais dépourvu de toute la puissance évocatrice contenue dans la précédente attaque du spectre. Les deux jeunes filles étaient libres de prendre leur décision, du moins, aussi libre que leur permettait les émotions contradictoires qui devaient bouillonner en elle. Que décident elles de faire ?

Réussissant à se calmer peu à peu, Aine tenta de sonder l'ether à la recherche des spectres. Si ces derniers n'étaient plus, elles allaient pouvoir retourner au niveau du tunnel. La curiosité naturelle de la jeune aveugle l'emportant sur sa rationalité. En attendant, elles se posent un instant histoire de souffler. Elles attendent tranquillement la fin des hostilités. Si jamais l'aura du mage disparaissait, elles détaleront comme des lapins.

Alors qu'elle retournera sonder prudemment l'éther, Aine pourra constater plusieurs auras brilles faibles, atténuées par celle de la source de pouvoir. L'aura d'un spectre, le plus proche d'elle, semblait avoir perdue en intensité, une vague d'énergie émanera de cette dernière, vague d'énergie qui s'écrasera contre un égide doré, sans aucun doute invoqué par son professeur.
Au loin, elle pouvait distinguer faiblement un autre spectre, face à deux autres sources de pouvoir bien connues d'Aine, Kantz et Meruem étaient bels et bien en vie.
Quant à la source de pouvoir, celle de tout les mots qui semblaient Reigner sur cette terre maudite, elle pulsait avec une régularité et une vitesse qu'elle nait encore jamais pu observer jusque là, comme la respiration échaudée d'un homme contrarié.