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Narrateur
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Une cabane dans les bois Empty Une cabane dans les bois

Jeu 17 Oct - 0:49
L'homme était à genoux, les yeux rivés vers le sol, contemplant le spectacle à la fois si joyeux et si triste dont il était l'auteur, sa main tremblait légèrement et son regard était perdu dans le vide. Jamais il n'aurait pensé que ce jour arriverait, à peine avait il osé l'espérer, et pourtant, aujourd'hui, il y était. Oui, l'homme avait gagné, son ennemi était tombé, tombé sans lutte, en présence plutôt que sous le coup du vainqueur, aussi étonné de sa victoire que le vaincu de son revers. Vainqueur qui d'ailleurs, s'entendrait bientôt penser que cet événement n'était que surprise, et qu'il ne fallait le considérer que comme un pur accident. N'importe qui aurait pu lui répondre "Pour en juger ainsi, vous avez vos raisons."

Restait que l'homme était là, et aussi las dans sa victoire que son ennemi dans la défaite. Las de ces années de combat qu'il pensait vaines, las de ses sacrifices, las de ses espoirs déchus. Ironie du sort, il avait tant espéré avant d'abandonner, et c'était quand il n'y croyait plus que le miracle advenu. Il secouait doucement la tête, dodelinant presque, incrédule devant cette vérité pourtant frappante, l'ennemi ne pouvant d'ailleurs en témoigner tant il en avait été frappé.

Joie et tristesse se mêlaient en cet homme agenouillé auprès du cadavre de celui qui était à la fois son meilleur et son pire ennemi. La joie était là en récompense d'un triomphe inattendu, la tristesse était là face à cette époque que le vieux bûcheron savait désormais révolue. Enfin, il avait gagné, mais, à son grand désarroi, il n'aurait plus à se battre. Ce combat avait prit une telle place dans sa vie, que son absence serait désormais un vide.


- Enfin... J'ai gagné, je l'ai vaincue... Mais... A présent, que va t-il advenir?

Il mettait enfin des mots sur ses sentiments. Il serra le poing dans une rage vengeresse, et... au coin de sa joue, une larme virile coula subrepticement, roulant et dévalant le visage ridé du vainqueur, pour venir s'écraser près du vaincu, formant presque un linceul.

Dans la main de l'homme, un livre, un gros livre, l'arme du crime. Le bûcheron n'avait jamais été très érudit, en fait, il avait trouvé cet ouvrage sur un chemin, sûrement égaré là par un convoi de marchands déjà loin, "cela fera un bon cale porte" s'était il dit. Si seulement il avait su...

Lorsqu'il était entré, le bûcheron avait été choqué par le silence assourdissant qui régnait dans sa cabane. D'habitude, c'était moins calme, et surtout le peu de silence qu'il y avait ne durait pas aussi longtemps, elle était là, elle rodait. Il la savait là mais ne savait pas ou. Et il avait abandonné depuis longtemps l'idée de la trouver, et encore moins de la saisir...


...

- Enfin... ENFIN!

Le bucheron agenouillé avait hurlé à sa propre gloire, pleurant désormais sans retenue, les dents et les poings serrés, il savourait sa victoire. Ah! Qu'elle était belle! Qu'elle était douce! Que ce silence était bon à ses oreilles! Il leva la tête, remerciant tout les dieux de lui avoir accordé cette victoire, de lui avoir permit ce repos bien mérité. Le bucheron se souvenait: il était entré et, surprit par le calme de sa cabane, s'était contenté de balancer négligemment son livre cale porte sur la table. Sans surprise, il claqua, mais craqua aussi. Un livre ne craquait pas, du moins pas dans ces conditions, et surtout, le bucheron avait reconnu ce son, il était trop entraîné pour l'avoir oublié. "IMPOSSIBLE!" avait il hurlé en se dressant et en bondissant presque jusqu'au livre. Ô surprise! Ô effroi lorsqu'il découvrit ce qui se cachait sous l'épaisse couverture de cuir!

Elle était là, bzzbzztant de ses dernières forces, elle qui avait hanté les jours et les nuits du bucheron, elle qui se claquait partout pour faire du bruit était désormais écrasée sur la table, et se décolla mollement du livre pour tomber tout aussi mollement au sol, sous le regard éberlué de sa victime, le bucheron.

Des années durant, le bucheron n'avait pu trouver calme et sommeil qu'à l'extérieur de chez lui, car elle était là. Il se souvenait, il se remémorait cette sombre nuit d'octobre 1365, ou alors qu'il mettait son bonnet de nuit, le bucheron avait entendu un bruit pour le moins... suspect. "BzzBzzt". Le pauvre homme ne se doutait pas en cet instant qu'il s'agissait d'une déclaration de guerre... Pendant des années, elle fit du bruit en chaque instant, battant l'air de ses ailes et se claquant dans les murs, empêchant le brave homme de dormir ou de se reposer. Des années durant, il avait tenté de la tuer par tout les moyens: plantes, manière brute, fumée, il avait même fait un contrat de sorceleur. Mais rien n'y faisait: la mouche à merde était insaisissable...

Aujourd'hui, elle était morte sans même qu'il ne l'ait voulu. Et sa vie en serait changée. L'homme savait qu'au fil des années, une relation s'était construire entre cette mouche à merde et lui. Il s'était habitué à elle, et elle s'était habituée à lui. Tels deux voisins un peu vaches, ils s'étaient affrontés sans merci.

Mais désormais, il n'y avait plus que lui.

Que restait il à un homme, lorsqu'il avait évincé tout ses rivaux, qu'il avait triomphé de tout ses ennemis? Cela, le bucheron devrait l'apprendre dès le lendemain...


Courageusement, dignement, tel un bon vainqueur, il enveloppa le corps d'un tissu blanc et se rendit dans le jardin, solennellement, sans un bruit, dans le respect. Il mit un coup de pied au sol pour soulever un peu de terre, et enterra sa pire amie, ou son meilleur ennemi c'était à voir. Il se recula, la larme à l'oeil, avant de murmurer quelques mots.

- Adieu Bzzzertrude, je pense que... que tu me manquera.

Et il se retourna, levant les yeux au ciel, il commencait à pleuvoir. Il rentra dans sa cabane ou malgré ce qu'il avait longtemps cru, il ne trouva pas le sommeil avant une heure avancée de la nuit. Demain serait le premier jour du reste de sa vie.
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