Kaedwen - Quatrième nuit

Ils marchèrent encore une dizaine de minutes dans les bois, avec la lune pour seule source de lumière, avant d'atteindre un mur de broussaille. Ils durent se frayer un chemin à travers des buissons denses et épineux, mais bien heureusement, la fillette connaissait l'itinéraire le plus praticable à travers la végétation. Ils débouchèrent alors sur une minuscule clairière qui était complétement encerclée par les arbustes. Au centre de la clairière siégeait une monumentale souche d'arbre, elle était si énorme que dix hommes n'auraient pas pu en faire le tour en se tenant les mains.

Lira s'approcha du tronc coupé, grimpa à son sommet, et y inséra une grossière clef en bois qu'elle portait autour du cou. Quand elle tourna l'objet dans l'arbre mort, une trappe s'ouvrit sur la partie supérieure de la souche et la jeune fille s'y faufila avec légèreté.

Que faisait Salazar ?

Le jeune soceleur ouvre grand les yeux tout ronds, alors ça ! Il ne se serait jamais attendu a cette situation, mais enfin il faut dire que absolument toute cette histoire lui semble bizarre, l'enfant demande donc a sa compagne d'infortune en essayant de cacher sa frayeur ainsi que son excitation devant cette situation.

-Ton peuple, c'est des grands guerriers ou ils sont juste des pacifistes amoureux de la nature avec de la magie ?

Lira sorti brièvement sa tête de la souche pour rassurer Salazar :

-Viens Salazar, je croyais que tu voulais devenir le plus grand des guerriers, alors de quoi as tu peur? Personne ne te fera du mal, c'est promis !

-Bien bien. Il la suivra donc ayant trop peur d'être tout seul dans cette forêt bizarre dans tout les cas.

La fillette laissera l'enfant s'engouffrer dans l'obscurité et refermera la trappe, à clef, derrière lui.

Lira se saisit d'une lampe à huile, accrochée contre la paroi , et l'alluma à l'aide d'une pierre à feu et d'un couteau. Le tunnel s'éclaira alors faiblement, découvrant un étroit escalier en colimaçon qui semblait s'enfoncer jusqu'aux entrailles de la terre. Les deux enfants commencèrent descendirent en silence, Salazar compta 67 marches, puis arrivèrent à un niveau composé d'une multitude de sinueuses galeries. Sans douter un instant, Lira emprunta la quatrième galerie, puis tourna à droite deux fois, avant de tourner à gauche, et d'atteindre une salle circulaire.

Cette pièce, sorte d'antichambre, semblait donner sur d'autres pièces ou d'autres tunnels. Au centre de l'amphithéâtre de fortune, se trouvait une immense table, et plusieurs bancs, en terre. Autour de la table, assis sur les bancs, une dizaine de femmes, toutes aussi blondes et pâles que Lira, d'un âge allant de trois ou quatre ans, à une vingtaine d'années. En bout de table se trouvait le seul homme de la tablée, installé dans un largue fauteuil, lui aussi en terre mais recouvert de peaux de bêtes.  Il détonnait du reste de l'assemblée, par son absence de cheveux, son air sévère et sa peau légèrement plus bronzée.  

Avant même que Lira n'ait pu présenter son convive, l'homme se leva brusquement, aboyant en direction de Salazar :

-Qui es-tu ? Que nous veux tu ? De quoi as-tu menacé ma fille, maudit démon, pour qu'elle te laisse entrer ?

Le regard de l'hérisson se balade un peu perdu et aussi inquiet devant cette situation des plus étranges, ses décors totalement nouveaux et inédits pour lui, surtout que cette fois il a plus l'aide des grands pour lui sauver la mise, le fier pourfendeur de barbares répondra donc en essayant d'être convainquant.

-Je ne suis ni démon ni méchant. Je suis un simple ami de votre fille Monsieur, prenez mon épée si vous voulez comme preuve, je ne suis pas une menace.

Il ajoute d'ailleurs.

-Moi aussi pour les "démons" d'en haut je suis un démon, ouais je suis hais par les gens qui vous haïssent.

Affirme t'il le ton neutre en croisant les bras fièrement convaincu d'avoir fait un speech convaincant.

-Un ami de ma fille ? Mes filles n'ont pas d'amis, elles n'ont besoin que de leur père, lui répondit-il sèchement, après avoir jeté un regard accusateur à sa fille.

En voyant l'enfant sortir son arme et lui tendre, l'homme eut un mouvement de recul avant de cracher au sol.

-Que sais-tu des démons ? Que viens tu faire ici ?

Lira resta silencieuse, la tête baissée, comme les autres femmes présentes.

Il se prend pour qui le vioc ? Non mais sans blague ! Il le laissera pas parler ainsi, et d'ailleurs plus il y pense plus cette histoire lui semble bizarre, un vieux aux allures des plus loufoques en compagnie de plein de beautés ayant toute le teint pale ? Se pourrais t'il qu'il soit le seul homme ici ? Plein de questions se bataillent  dans la tête de l'enfant mais celui-ci garde son calme et se contente de montrer ses yeux de chat a l'ancêtre.*

-Je sais qu'ils sont méchants, et qu'ils rejettent les gens comme vous et moi.

Il répond ensuite a la question concernant la raison de sa vue.

-Je suis venu pour être certains que votre fille ne risque pas malheur, et aussi car je suis curieux.

-Hmmmm, dans ce cas prend place, partage notre repas et poses tes questions, l'invita Jyna qui semblait avoir mis de l'eau dans son vin.

Deux places étaient disponibles, l'une à la droite du patriarche, l'autre en face de lui, à l'autre extrémité de la table.

Salazar viendra naturellement a droite, et aussitôt en place il demande sans gênes.


-Vous vivez ici depuis longtemps Monsieur ?

-Depuis bien longtemps, bien avant ta naissance, et même avant celles de mes filles. Qu'est ce que fait un petit gars comme toi, tout seul, dans le coin ?, demanda-t-il au jeune garçon, d'un ton faussement aimable.

Sans attendre la réponse de Salazar, Jyna déposa devant le garçon, une écuelle pleine d'une répugnante bouillie, ainsi qu'une timbale pleine d'eau.

A la droite de Salazar, une beauté, la tête baissée, caressait son gros ventre gonflé par la présence d'une nouvelle vie. La jeune femme était une copie conforme de sa nouvelle amie, avec néanmoins quatre ou cinq années de plus. En face de lui se restaurait une autre femme, elle aussi était belle, malgré les quelques rides qui commençaient à pointer le bout de leur nez.  Elle laissait, impudiquement,  un nourrisson téter son imposante poitrine. Lira, quant à elle, avait pris place à l'autre bout de la table, observant attentivement la discussion des deux hommes.

Après quelques secondes de réflexion mais surtout de "contemplation", gamin oui, mais naif non. Salazar comprend la scène et comprend que ce malade baise ses filles..mais bref, il n'en dira rien pour le moment et il se contente de répondre.

-Jadis je fut esclave d'un ordre qui se prétend être ma famille mais pour eux je ne suis qu'un chien, j'ai donc pris la décision de le fuir et me voici.

-Tu ne manges pas? Tu devrais en profiter pour reprendre des forces, demain matin tu devras nous quitter, dit-il fermement.

Il fixa froidement le jeune sorceleur avant de lui demander :

-Et-tu satisfait de mes réponses, ai-je assouvi ta curiosité ?

L'ambiance à table était pesante, aucune des filles n'osaient prendre la parole, même le nouveau-né était étrangement calme. Seul les bruits produits par la mastication du père se faisaient entendre.

-J'ai une dernière question. N'avais vous point honte de violer vos filles ? Je prend Liara avec moi, essayer de me retenir et je vous tue.

Dira t'il très calmement en balayant la nourriture de la main droite.

Face à l'horreur des propos tenus par Salazar, les filles, horrifiées, se levèrent d'un bond et vinrent chercher refuge dans le dos de leur père. Lira, qui avait aussi rejoint son paternel, avait le visage ravagé par la haine.

-Ne vous avais-je pas prévenu, mes enfants, que l'extérieur était peuplé par des démons ? Voyez de quel crime odieux m'accuse cet enfant ! Moi qui vous ai toujours aimé, chéri, protégé.

Se levant à son tour, Jyna écarta les bras, de toute son envergure, comme pour protéger ses filles de l'intrus.

-Disparais, tu n'es pas le bienvenu ici ! Mes filles resteront ici, et ce choix ne t'appartient pas, scanda-t-il face au garçon.

Non mais c'est la meilleure ça ! Ce porc viole ses gosses et les enferme vis a vis du monde extérieur et c'est lui le méchant ? En voyant l'ensemble de ses filles et particulièrement "sa nouvelle amie" qui gobent ses propos comme de l'eau bénite alors que juste avant la peur était clairement visible dans les yeux de certaines Salazar se lève d'un bon dégainant son épée dans le même geste. Salazar fut victime d'abus et de maltraitance toute son l'enfance, il fut certes préservé des sévices  du viol mais quoi qu'il en soit il n'accepterai pas de fermer les yeux devant une ordure de l'espèce, c'est avec de la haine dans le regard que l'enfant pointe sa lame vers l'homme.

-Admet tes crimes envers tes filles ! Admet ta manipulation et te maltraitance et je te laisse vivre misérable fils de pute ! Hurle t'il avec fureur.

Toujours dans une posture protectrice, barrant le chemin au sorceleur, le père de famille donna une ultime consigne à sa progéniture :

-Fuyez, vite ! Séparez-vous et trouvez refuge dans les galeries avant qu'il ne s'en prenne à vous.

D'abord hébétées par la situation, les femmes prirent rapidement leurs jambes à leur cou et se dispersèrent dans les souterrains. Toutefois, l'une des filles, Lira, ne s'était pas laissé gagner par la peur et osa même se rapprocher pour faire face à Salazar, aux côtés de son père.

Jyna ne lâcha pas Salazar du regard, pour autant il n'exprima aucune hostilité à son égard.

-C'est mal ce qu'il fait Lira ! Ne te rend tu pas compte ? Tu crois que je n'ai pas vu la lueur d'effroi et d'intimidation dans tes yeux devant cet homme ? Hésitant, ne voulant pas mettre en danger la fille en tuant l'homme Salazar rengaine son épée et croise les bras, les membres tremblants légèrement sous la tension , il ne bouge pas et après de longues secondes d'observation envers la fille comme s'il réffléchisait a quoi faire Salazar parlera d'une voix exprimant un certains dégout.

-Conduis moi dehors, si tu veux que ton propre père te mette en cloque grand bien te fasse.

-Ne l'écoute pas ma fille, ses paroles sont un venin plus dangereux encore que celui de la vipère. Si tu l'accompagnes, tu ne reviendras jamais.

Soudain, alors que Jyna tentait de convaincre sa jeune fille de rester, le plafond et le sol se mirent à trembler, les lumières à vaciller, au rythme du "BOUMBOUMBOUMBOUMBOUMBOUMBOUMBOUM".

- Les tambours...LES TAMBOURS VIENNENT DES PROFONDEURS, hurla Jyna en pleine hystérie.  

Il saisit sa fille par les épaules et la secoua violemment :

-Ne devais-tu pas t'occuper de Bobo ? Qu'as-tu fait ma fille, tu nous as tous condamné ! Ah je comprends mieux pourquoi cet imbécile parlait d'une lueur d'effroi, ce n'est ni de lui, ni de moi dont tu as peur. Ils arrivent

-Pardonne-moi père, sanglota Lira en se jetant aux pieds de son géniteur, je n'y suis pour rien, j'ai fait comme d'habitude, c'est Salazar qui a attaqué Bobo et qui l'a fait fuir.

Alors que le jeune hérisson s'apprête a déverser un torrent d'insulte sur le vieux il ressent soudainement un immense frisson très désagréable dans tout son corps alors qu'il entend le vacarme des enfers au dessus de sa tête. Les démons sont t'il réels ? Le vieux n'aurais donc pas menti ? Une tonne de question se bousculent dans la tête du garçon alors que le garçon entend d'une oreille les paroles de la petite faille, il se tourne vers le père, on verra son cas après.

-Comment faire pour les empêcher de venir a l'intérieur vers vos filles ? Il y a forcément un moyen ! Répondez !

Alors que Salazar venait à peine de poser sa question, des hurlements épouvantables éclatèrent dans plusieurs corridors, des cris humains.

-Beryl, Tamu, Poîka, Faïde, non pas vous...pas vous mes chéries, supplia Jyna d'une voix presque éteinte.

Le triste père, prostré au sol, se lamentait lâchement. Très rapidement, d'autres gémissements remontèrent les galeries jusqu'à l'antichambre.

-Mes filles, toutes mes filles sont..., le mot ne pouvait pas sortir de sa bouche, non non, pas toutes, clama-t-il en se relevant avec fureur. Partez ! Partez tous les deux ! je vais les retenir, et toi, dit-il en pointant Salazar de l'index, si ma fille ne s'en sort pas saine et sauve, je jure par tous les dieux que ma colère te poursuivra depuis l'au-delà.

En larmes, Lira essayait vainement de convaincre son père de l'accompagner :

-Non ! Je vous en prie, venez avec nous, j'ai besoin de vous, père...

Elle n'eut ni parole, ni regard en retour.

Merde. Salazar attrape Lira par le bras et commence donc a courir avant même que le vieux lui de le faire, en entendant les cris il comprend très bien une seule et même réalité, ils sont les prochains.

-Passe devant guide moi !

Beugle Salazar en panique et sueur tandis qu'il pousse l'enfant devant lui, suite a cela le gamin aux cheveux d'hérisson dégaine son épée dans sa course, en regardant en arrière.

Lira ne se débattit pas, elle réalisa immédiatement qu'elle n'en avait pas la force, elle comprit aussi tout de suite qu'elle devait vivre, vivre pour ceux qui s'étaient sacrifiés pour elle.

Elle courut à en perdre haleine, sans jamais lâcher la main de Salazar. Les hurlements rageurs de son père ne s'arrêtèrent qu'après de longues minutes, elle était fière de lui, il s'était bien battu. Ils refirent rapidement le chemin inverse, bien heureusement, Lira n'avait pas oublié la lampe, sans cela leur course n'aurait été qu'une marche à tâtons dans le noir.

Ils étaient quasiment arrivés au pied du grand escalier, quand soudain le sol s'effondra sous les pieds de Lira. Salazar, qui lui tenait toujours la main, fut plaqué violemment contre le sol.

-Remonte-moi vite, je les entends arriver derrière nous, paniqua la fillette.

Après une course des plus effroyable tant la pression fut lourde Salazar verra enfin la liberté en dehors de cet arbre de malheur, et avec cela la survie ! Mais alors qu'il pense avoir réussi a fuir des griffes des démons avec Lira le sol s'effondre sous les pieds des enfants ! Merde ! Si Podrrick serait a la place du garçon il pourrait assurément retenir les démons par sa propre force martiale, mais c'était une chose que Salazar ne pouvait guère faire, alors il tenta de remonter la petite le plus vite possible.

Salazar essaya de remonter Lira, mais la petite fille était bien plus lourde que son petit gabarit pouvait le suggérer. Il avait beau tirer de toutes ses forces, la fillette restait toujours suspendue dans le vide. Dans l'obscurité de la fosse, une dizaine de paires d'yeux brillaient. Pas un mot n'osait sortir de la bouche de Lira, seul son regard implorant indiquait qu'elle comprenait la situation.

Salazar deviendra pendant un instant aussi pâle que la mort, que faire ? Si il abandonne Lira elle est morte..et sa peur d'une mort atroce tout comme son bon sens lui ordonne de prendre ses jambes a son cou, mais son honneur ou plutôt sa honte et son amour propre se refusent a abandonner cette fille, surtout qu'il se sent responsable pour elle désormais. Il tente de réfléchir aussi vite et aussi efficacement que possible en un laps de temps très bref. L'anneau ? Impossible. Partir voir Bobo ? Lira sera morte depuis longtemps même si il le trouve. Un ou des signes ? Il est trop mauvais avec pour qu'ils soient efficaces. Alors un seul choix s'impose, et c'est avec la boule au ventre que Salazar se glisse dans le trou en serrant aussi fort la fille que possible. Sa main sur le manche de son épée et tout ses sens en alerte lui indiquant que c'est la mort certaine, mais il n'abandonnera pas cette fille, il refuse de le faire. Comment regarder quelqu'un en face après cela ?

Salazar rampa donc sur le sol, avec l'intention de se glisser dans la fosse. S'avançant sans avoir lâcher Lira, celle si s'enfonça progressivement dans la fosse en poussant des glapissements de douleur.

Tout d'un coup , sa nouvelle amie devint aussi légère qu'une plume.

Salazar ne comprenant pas pourquoi comprend toutefois qu'il ne faut pas lui offrir deux fois la même chance, il tire Lira en dehors de ce trou de toute sa force.

Salazar remonta le bras gauche de Lira. Pour récupérer le reste, il devrait plonger dans la tanière des démons.

Salazar observe quelques instants le bras sans vie de la fille alors que il ne pourra empêcher un fort sentiment de dégout de vider ses entrailles au sol, tandis que sa peau bronzé deviens totalement blanche le garçon manque un instant de s'évanouir devant l'ignominie. Nonobsant il se reprend , son instinct de survie prenant le dessus et il tente de décamper de cette grotte.